Par Joseph OLINGA N.
Tout a commencé le 10 avril dernier. A travers un communiqué de presse, Elhadj Boukard Abdourahim, se présentant comme coordonnateur général de l’opération “Extrême-Nord 100 000 jeunes unis derrière le Président Paul Biya en 2025” annonce la tenue d’un meeting réunissant 100 mille jeunes des 47 arrondissements de la région de l’extrême-Nord, à la place des fêtes de la ville de Maroua. La manifestation annoncée par le directeur de cabinet du président de l’Assemblée nationale, Cavaye Yeguie Djibril est placée sous son haut patronage.
Annonce diluée vingt quatre heures plus tard par des publications sur des réseaux sociaux qui s’oppose à la tenue d’un tel rassemblement dans la région de l’extrême-Nord. Se présentant comme “fils indigné du septentrion”, le journaliste Adorlac Lamissia, à travers une lettre ouverte qualifie le projet de”mesquin” et son précurseur Elhadj Boukard Abdourahim de “d’arnaqueur”.
Le journaliste Adorlac Lamissia qui énumère les “actes d’extorsion et de manipulation” du directeur de cabinet du président de l’Assemblée nationale souligne que des centaines de millions ont été collectés par le directeur de cabinet du président de l’Assemblée nationale, Elhadj Boukard Abdourahim au motif de lutter contre la famine dans le Grand Nord. “Votre arnaque a été mise à nue par la Présidence de la République qui a stoppé net l’opération parce que le gouvernement était étonné qu’une famine est entrain de décimer la population sans que les autorités administratives, le Minader et autres organes, ne soient au courant. C’était encore là une autre arnaque de votre part.”
Outre les multiples dénonciations énumérées dans la correspondance, Adorlac Lamissia souligne que “Les jeunes de la région de l’extrême-Nord sont préoccupés par d’autres défis en cette année électorale. Celui de l’emploi, de la sécurité et de leur bien-être.” L’auteur de la correspondance martèle que “2025 est une année cruciale et les jeunes de l’extrême-Nord savent à qui ils feront confiance.”
Comité central du Rdpc.
Est-ce un hasard si le 11 avril, un communiqué portant le sceau du comité central du Rdpc et la signature de son secrétaire à la communication, Pr. Jacques Fame Ndongo est publié sur les plateformes électroniques ? La correspondance désapprouve son implication dans l’organisation et la tenue de l’activité dénommée “Extrême-Nord : 100 000 jeunes unis derrière le Président Paul Biya en 2025.”
La correspondance précise par ailleurs que “Le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc) tient à porter à la connaissance de l’opinion publique que cette initiative n’a, en aucun cas, été approuvée ni par les organes compétents du parti au niveau régional, ni par les hautes instances du Comité central.”
Plus explicite, la correspondance enjoint Elhadj Boukar Abdourahim “de surseoir immédiatement à ladite initiale, qui ne relève nullement de de sa compétence, et dont la poursuite contreviendrait aux principes fondamentaux du fonctionnement du parti.”
La position énoncée le 11 avril est, elle aussi, relativisée le 12 avril par des commentaires publiés sur la toile. Sur la page Facebook du secrétaire à la communication du Rdpc est publié le même communiqué barré de la mention “Fake”, sans aucune explication ou communiqué contradictoire.
Ambiance
Dans la région de l’extrême-Nord, les raisons de cette agitation médiatique sont autres. Ressortissant de la région, se présentant comme “serviteur panafricain”, Bouba Moïse Gwada Zalla explique que “En réalité, le Comité central du Rdpc et ses membres cherchent à camoufler le déclin du parti avant les élections.” Un déclin, explique la même source matérialisé par l’incapacité de l’organisation de l’événement mobiliser 100 mille jeunes en raison de la montée en puissance de mouvements concurrents.
Partisans du changement du Grand Nord.
Régulièrement présentée comme contributrice de poids dans les suffrages glanés en faveur du candidat naturel du Rdpc, la région de l’extrême-Nord connaît la poussée de nombreuses organisations qui semblent recueillir l’assentiment des populations locales. L’avènement du mouvement dénommé Partisans du changement du Grand Nord (Pcgn) n’est pas étranger à cette nouvelle posture. Le mouvement, au départ porté par quelques têtes fortes des régions de l’Adamoua, du Nord et de l’extrêm-Nord semble désormais se frayer une voie royale dans ces espaces sociopolitiques traditionnellement acquis au Rassemblement démocratique du peuple camerounais et à ses partenaires de la majorité présidentielle.
Dans son élan, les Partisans du changement pour le Grand Nord rallie à tour de main des formations politiques classiques à leur cause.
Dans ce chamboulement de nombreux partis politiques implantent méthodiquement leurs racines dans la région de prédilection du président de l’Assemblée nationale, Cavaye Yeguie Djibril. Nul doute que le Rdpc devra renouveler ses arguments face au Pcrn de Cabral Libii, au Ccc d’Aboukar Ousmane Mey (frère du ministre de l’économie), au Mrc de Maurice Kamto et au Purs de Serge Espoir Matomba.
Démissions au sein du Rdpc.
La scène entre le secrétaire général de la présidence de la République et des militants et élus du Rdpc est encore gravée dans les esprits. Loin d’être un acte de défiance passager, elle illustre l’état d’esprit de nombreux militants du Rdpc dans la région de l’extrême-Nord. Sans tambour, nombreux sont les militants, sympathisants et élus du Rdpc qui lorgnent en face. Dans cette ambiance à couper, des voix s’élèvent pour promettre une opposition “farouche” à une autre victoire du candidat Paul Biya dans la région de l’extrême-Nord.
Le climat est telle que les populations de l’extrême-Nord réputées “très attachées aux institutions traditionnelles” accusent ouvertement la notabilité traditionnelle de manoeuvrer pour leurs privilèges personnels délaissant les intérêts communautaires.