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Cameroun | Crise post-électorale: Voici pourquoi la France et les États-Unis ont choisi le silence

Le candidat recalé à l'élection présidentielle explique que la nouvelle stratégie de la France et des gouvernements de l'Union européenne consiste à laisser le peuple décider de la crédibilité du processus électoral.

by Panorama papers
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Avec Tony Smith

Depuis la proclamation des résultats de l’élection présidentielle du 12 octobre 2025, une question domine les débats :
Pourquoi la France n’a-t-elle pas encore félicité le président Paul Biya ?

Un silence qui en dit long

Pour beaucoup, ce silence inhabituel serait un signe de désaveu. En réalité, il s’agit plutôt d’un tournant stratégique : une nouvelle manière, pour Paris comme pour Washington, d’exercer la diplomatie en Afrique francophone. Pour la première fois depuis plusieurs décennies, les deux puissances occidentales ont choisi la neutralité active — une retenue calculée qui marque la fin d’un cycle historique de dépendance politique.
De la validation à l’observation

Pendant longtemps, la reconnaissance d’un pouvoir africain passait par Paris.
À chaque élection, le schéma était le même : les institutions nationales proclamaient les résultats ; la France, par la voix de son président, adressait un message de félicitations ; et, dans la foulée, la communauté internationale s’alignait.

Cette année, le scénario a changé. Après la décision du Conseil constitutionnel, c’est l’Union européenne qui a été la première à “prendre acte” de la proclamation. La France, elle, s’est contentée d’un communiqué du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, condamnant les violences post-électorales et appelant au calme, sans aucun message personnel d’Emmanuel Macron. Quant aux États-Unis, ils ont limité leur communication à une alerte sécurité à l’attention de leurs ressortissants, sans commentaire politique.
Ce n’est pas une omission. C’est une stratégie.

Les ressorts d’une retenue diplomatique
Cette attitude s’inscrit dans la nouvelle doctrine française définie depuis 2023 :
“Ne plus interférer directement dans les processus politiques africains, mais observer, analyser et accompagner.”
Des réunions tenues entre des diplomates français et plusieurs délégations africaines ont confirmé cette orientation : désormais, la légitimité politique doit émaner des institutions africaines elles-mêmes, et non d’une validation extérieure.

Ce repositionnement répond aussi à une exigence de protection.
Après les crises du Mali, du Niger et du Burkina Faso, la France a compris qu’une prise de position trop visible pouvait l’exposer à des rejets populaires ou à des représailles économiques et diplomatiques. Dans le cas du Cameroun, une déclaration précipitée aurait pu être interprétée comme une ingérence, voire comme une prise de parti.

Le rôle des négociations de diplomatie souterraine
Cette évolution n’est pas le fruit du hasard. Elle résulte également d’un travail discret de diplomatie sous-marine mené depuis plusieurs années dans les coulisses du pouvoir à Paris, Bruxelles et d’autres capitales européennes.

Dans le cadre de ces discussions confidentielles, plusieurs experts africains, dont moi-même, ont sensibilisé les décideurs français et européens sur la nécessité de repenser leur rôle en Afrique.
Lors de nos échanges au Quai d’Orsay, à la cellule diplomatique de l’Élysée et au Service européen d’action extérieure à Bruxelles, nous avons défendu une idée simple mais fondamentale :
“La France ne doit plus être celle qui transfère le pouvoir en Afrique. Elle doit devenir celle qui respecte les institutions africaines et joue la carte de la neutralité.”

Cette réflexion, soutenue par des arguments de stabilité, de perception publique et de souveraineté partagée, a trouvé un écho favorable.

Aujourd’hui, le positionnement neutre de la diplomatie française dans la crise post-électorale camerounaise reflète cette orientation. C’est le résultat d’un long travail de persuasion et d’influence, mené loin des caméras mais avec conviction et cohérence.

Nous pouvons nous réjouir que cette approche ait été entendue et appliquée. La neutralité observée aujourd’hui n’est pas un vide diplomatique : elle est la concrétisation d’un virage que nous avons contribué à amorcer.

L’Union européenne en première ligne
Le fait que l’Union européenne ait parlé avant Paris n’est pas anodin.
C’est une manière pour la France de déléguer la première parole diplomatique à une entité multilatérale, afin d’adopter une position plus équilibrée et moins exposée. Cette approche permet à la fois de préserver son influence et de réduire le risque d’ingérence perçue.

Washington dans l’attente

Les États-Unis, traditionnellement coordonnés avec la France sur les dossiers centrafricains, ont adopté la même prudence.
Aucune déclaration politique n’a été publiée par la Maison-Blanche ou le Département d’État.
Historiquement, un accord tacite lie les deux puissances : la France détient la primauté diplomatique au Cameroun, tandis que les États-Unis se concentrent sur les volets sécuritaire et économique. Il est donc probable que Washington s’exprime après la prestation de serment du président élu, lorsque la continuité institutionnelle sera assurée.

Un changement de paradigme pour l’Afrique

Ce silence n’est pas un désintérêt ; c’est un signal.
Il marque la transition vers une diplomatie d’équilibre, où la souveraineté africaine devient le point de départ, et non plus l’objet de validation. L’Afrique centrale suit ainsi le mouvement déjà amorcé au Sahel : affirmation identitaire, rejet des tutelles implicites, volonté de redéfinir les relations avec les puissances étrangères.

Pour le Cameroun, cela signifie que la légitimité politique doit désormais se construire à travers la force de ses institutions, la transparence et la stabilité. La crédibilité ne viendra plus d’un message venu de Paris, mais de la confiance des Camerounais eux-mêmes dans leurs mécanismes républicains.

Un test pour les institutions camerounaises

Cette nouvelle donne offre au Cameroun une chance unique : celle de prouver sa maturité démocratique. Les partenaires étrangers observent ; les institutions nationales doivent décider.
Le pays a l’opportunité d’asseoir une souveraineté institutionnelle réelle, en évitant les écueils de la polarisation et de la désinformation. La stabilité du Cameroun dans les prochains mois servira de baromètre régional pour la relation future entre l’Afrique centrale et ses partenaires internationaux.

Conclusion

Le silence diplomatique de la France et des États-Unis n’est pas une absence de position, mais une nouvelle forme d’équilibre. Il reflète une ère où les grandes puissances préfèrent observer plutôt que diriger, et où les nations africaines sont appelées à assumer leur propre destin politique.
Cette évolution, aujourd’hui visible, est aussi le fruit d’un travail de longue haleine mené au sein des cercles diplomatiques européens pour redonner à l’Afrique la pleine maîtrise de ses transitions politiques. Le Cameroun s’inscrit désormais dans ce mouvement : celui d’une Afrique consciente, exigeante et souveraine.

À propos de l’analyste
Tony Smith est un stratège politique et analyste en diplomatie souterraine, spécialisé dans les dynamiques d’influence et les transitions géopolitiques en Afrique.
Il a pris part à plusieurs consultations de haut niveau à Paris, Bruxelles et Washington, notamment auprès du ministère français de l’Europe et des Affaires étrangères (Quai d’Orsay), de la cellule diplomatique de l’Élysée, et du Service européen d’action extérieure (SEAE).
Ses travaux portent sur la souveraineté africaine, la transformation des relations euro-africaines et la reconstruction des modèles d’influence dans les États post-coloniaux.
Il est également Président de Underground Network, une firme internationale de lobbying stratégique et d’influence, ainsi que Président du mouvement politique Community First, qui œuvre pour la gouvernance exemplaire au Cameroun, la participation citoyenne et la souveraineté Africaine.

Par Tony Smith — Analyste en diplomatie souterraine et en géostratégie africaine

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