Par Serge Aimé Bikoi
Les ingrédients étaient, sans conteste, réunis pour la production de ce coup de force au Gabon. La cause immédiate est liée à l’évocation du trucage des résultats des élections présidentielle, législative et municipales , lesquelles se sont déroulées le 26 août. Le coordonnateur de la plateforme de l’opposition gabonaise, Albert Ondo Ossa, qui s’est précipitamment adjugé la posture de vainqueur, a donné le ton dès le lendemain de la tenue de ces élections couplées. Au-delà de cette cause immédiate, Eric Yombi décèle une cause profonde profonde et lointaine relative à la longévité de la dynastie Bongo au pouvoir.
“On a un pouvoir des Bongo qui s’est installé sur plus de 50 ans. Je pense que les gens en avaient déjà marre d’un système qui était à bout de course et qui n’arrivait plus à produire des bénéfices en faveur de la population. Ce clanisme et cette démagogie ont engendré un certain laxisme et un manque d’efficacité à l’égard des populations qui attendent un développement soutenu”,
indique l’expert.
Ce coup d’État a suscité une vague de condamnations à travers le monde, notamment celle des Nations unies, de l’Union africaine, de l’Allemagne et de la France. Si la Chine appelle à un dialogue politique, la Russie, les États-Unis et l’Union européenne ont exprimé leur inquiétude quant à l’avalanche des coups d’État en Afrique. Mais le spécialiste constate une condamnation molle de ce coup de force par la France.Toute chose qui subodore une certaine connivence entre le nouvel homme fort et la voix officielle de la France.
“On voit bien que les mots sont mous par rapport au Niger. Cela peut bien se comprendre. Les intérêts sont assez importants. Peut-être va-t-il falloir calculer. Peut-être y a-t-il un homme de paille qui a été installé, mais dans tous les cas, l’on constate qu’il y a une certaine réticence qui est exprimée par la France officielle a contrario des propos énergiques, la rhétorique semble parfois condescendante lorsque l’on parle du Niger”,
poursuit E. Yombi.
D’ores et déjà, des grilles de lecture s’échelonnent quant aux répercussions qui pourraient advenir dans les prochains jours. L’écrivain envisage soit une rupture totale, soit une rupture dans la continuité en fonction du positionnement d’un homme de paille, d’un homme charismatique ou encore en fonction du caractère atone ou décisif des populations.
“Les leaders sont le produit d’une construction politique. Ceci étant, les pays ont les dirigeants qu’ils méritent. Nous avons affaire, en Afrique noire francophone et centrale, à une population paresseuse dans le sens citoyen, une population qui a du mal à s’approprier sa destinée. Comment voulez-vous que cette même population ait des leaders qui s’inscrivent en rupture où qui prôneraient une révolution par rapport à l’ordre ancien? Ici, les verrous de contre-pouvoir ne fonctionnent pas normalement, les leaders ne sont qu’à l’image d’une population, c’est-à-dire une population qui est portée vers le jouissif, vers l’abandon de la chose politique. Dans cette perspective, il est donc évident que les leaders en place puissent être à la solde des puissants et de l’extérieur.”
A-t-il conclu
Il revient donc aux populations locales de s’approprier le pouvoir, de peser sur cette transition gabonaise de telle sorte que la continuité du jeu soit en leur faveur. Mais si elles restent atones ou attentistes comme elles l’ont toujours été jusqu’ici, il est probable que l’élite militaire, que la junte qui tient, désormais, le pouvoir puisse prendre des orientations qui seraient petitement dans le sens des aspirations des masses populaires.