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Iran > Uranium enrichi : Ces 408,6 kilos qui résistent encore et toujours aux frappes

Après les bombardements américains et israéliens, la grande question concerne les stocks d’uranium enrichi à 60 % dont dispose l'Iran. Théoriquement, ces réserves pourraient permettre à l'Iran de fabriquer neuf armes nucléaires. Plusieurs experts analysent cette menace en se demandant où en est le programme nucléaire iranien.

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Par Sandra Embollo

Ce sont 408,6 kilos qui pèsent lourd dans le débat pour savoir à quel point les bombardements américains contre l’Iran, dans la nuit de samedi 21 à dimanche 22 juin, ont affaibli le programme nucléaire iranien. Il s’agit des stocks d’uranium enrichi à 60 %, c’est-à-dire la quantité d’uranium qui n’est plus qu’à quelques étapes d’être utilisable pour la fabrication de bombes atomiques.

Les États-Unis ont reconnu “ne pas savoir où se trouvait” ce matériel hautement stratégique pour l’avenir d’une potentielle arme nucléaire iranienne, souligne le New York Times. Israël a mené, lundi 23 juin, de nouvelles frappes dans la région du site de Fordo afin, officiellement, d’endommager les voies d’accès pour empêcher les Iraniens de transporter ailleurs du matériel nécessaire à la poursuite de leurs plans nucléaires.

408,6 kilos d’uranium enrichi perdus de vue ?

Mais les Iraniens avaient assuré, avant même les bombardements américains, avoir mis à l’abri ces stocks d’uranium hautement enrichi. Même s’il est impossible de confirmer ou non cette affirmation, Rafael Mariano Grossi, directeur général de l’Agence internationale de l’énergie atomique (Aiea, l’organisme mandaté notamment pour surveiller le programme nucléaire iranien), a reconnu qu’il était également d’avis que ces stocks avaient été déplacés, note le New York Times qui l’a interrogé à ce sujet. 

Si ces 408,6 kilos d’uranium enrichi à 60 % représente un tel enjeu, c’est parce qu’il est “très long et compliqué d’aller de l’état d’uranium naturel à celui d’uranium enrichi à 60 %, mais que la dernière étape – atteindre les 90 % – est beaucoup plus rapide et peut être accomplie en cinq à six jours pour enrichir suffisamment de matériel pour une seule bombe si la décision politique est prise”, résume Ludovica Castelli, spécialiste des questions nucléaire au Moyen-Orient pour l’Istituto Affari Internazionali (IAI), un centre de recherche et de réflexion italien. 

Il est donc crucial d’avoir ces réserves d’uranium à l’œil ou de les détruire pour qui veut réduire à néant les ambitions iraniennes d’être capable de se doter d’armes nucléaires.

“Jusqu’à récemment, le plus probable était que ces 408,6 kilos étaient entreposés dans plusieurs tunnels à proximité du Centre de conversion d’uranium d’Ispahan, lourdement fortifiés et qui, malgré plusieurs bombardements israéliens et américains, ne semblent pas avoir été pris pour cible ou endommagés”.

explique Ludovica Castelli.

Pour autant, l’Iran semble avoir voulu protéger ces réserves encore davantage et les aurait déplacées dans plusieurs “sites secrets”, révèle le Financial Times. Une décision qui pose un problème en soi car, si cette dispersion en plusieurs endroits tenus secrets de ce stock d’uranium était confirmée, “il deviendrait dorénavant très difficile de surveiller ces réserves, et encore moins de les vérifier dans le cadre des mécanismes de contrôle internationaux”, prévient l’experte de l’IAI.

De quoi faire de l’uranium de qualité militaire pour neuf bombes

Un risque d’autant plus important que ces stocks permettent à l’Iran, en théorie, d’obtenir suffisamment “d’uranium de qualité militaire pour fabriquer environ neuf armes nucléaires dans une usine d’enrichissement telle que Fordo”, note Ludovica Castelli.

Alors, certes, Fordo et Natanz, les deux principaux sites pour l’enrichissement d’uranium, ont “subi de sérieux dommages, et ces réserves ne vont pas s’enrichir toutes seules”, constate Hans-Jakob Schindler, un ancien diplomate allemand en poste à Téhéran qui a travaillé sur le programme nucléaire iranien. Il dirige aujourd’hui Counter Extremism Project, une Ong de lutte contre les mouvements extrémistes.

Mais “cela ne signifie pas que les capacités nucléaires iraniennes ont été réduites à néant pour autant”, nuance Ludovica Castelli. Cette spécialiste note qu’il existe un “important complexe souterrain non loin de Natanz qui semble encore intact et où une ligne de production de centrifugeuses semble avoir été réaffectée en 2022”. Sans compter l’existence d’un autre site sur le point d’être ouvert non loin d’Ispahan, qui avait été révélé par l’Iran à l’AIEA quelques jours avant le début des bombardements israéliens.  “La grande question est maintenant de savoir en combien de temps l’Iran pourrait transformer ces réserves enrichies à 60 % en uranium de qualité militaire pour, ensuite, en faire des armes nucléaires”, interroge Hans-Jakob Schindler. 

Avant le début de la guerre entre Israël et l’Iran, les experts estimaient qu’une fois la décision prise à Téhéran, il faudrait “trois semaines pour obtenir à Fordo suffisamment d’uranium enrichi à 90 % pour fabriquer neuf armes nucléaires”, souligne Ludovica Castelli. 

Mais ces estimations devaient déjà être prises avec des pincettes avant les bombardements car les “centrifugeuses sont très sensibles, et, comme elles fonctionnent en chaîne, il suffit d’un problème sur l’une d’entre elles pour devoir tout interrompre”, note Hans-Jakob Schindler.

“On ne peut pas détruire le savoir-faire avec des bombes”

Les intenses bombardements en Iran ne vont pas simplifier le processus… bien au contraire. À commencer par l’acheminement de ces réserves d’uranium vers les sites d’enrichissement.

S’il “se présente sous sa forme gazeuse – utilisée dans les centrifugeuses – il doit être transporté dans des conteneurs spéciaux sous haute pression, ce qui est compliqué d’un point de vue logistique. En outre, ce gaz est toxique et hautement réactif et s’il y a le moindre incident durant le transport, il peut y avoir un risque d’incident chimique”.

note Ludovica Castelli.

Ensuite, toute cette activité ne passerait pas inaperçue alors qu’Israël et les États-Unis surveillent de près le pays, notent les experts interrogés par France 24. L’Iran n’a donc pas intérêt pour l’instant à sortir ces réserves de leurs cachettes.

À plus ou moins court terme, la guerre en cours va donc très probablement ralentir le programme nucléaire iranien. De quelques mois seulement, selon Richard Nephew, un ancien analyste américain ayant travaillé sur le nucléaire iranien durant les administrations des présidents démocrates Barack Obama et Joe Biden.

“Cela peut aussi l’avoir retardé de plusieurs années, car à ce stade, il s’agit de toute façon de spéculation car on ne sait pas encore réellement à quel point les sites nucléaires sont endommagés”.

estime, quant à lui, Hans-Jakob Schindler.

Mais comme l’avait dit en 2008, Colin L. Powell, ex-secrétaire d’État de George W. Bush, déjà au sujet du programme nucléaire iranien, “on ne peut pas détruire le savoir-faire avec des bombes”. Autrement dit, avec le temps, l’argent et la volonté, l’Iran pourra rebâtir de quoi poursuivre son programme autour de ces 408,6 kilos d’uranium car “il y a toujours plus de scientifiques disponibles que ceux qui ont été tués par Israël”, note Hans-Jakob Schindler.

Et pour lui, c’est l’un des risques principaux de l’approche guerrière israélo-américaine : “sauf s’il y a un changement politique majeur en Iran et une intégration régionale du pays, ce qui va se passer, c’est que, si le régime tombe, le prochain à exercer le pouvoir va tout faire pour se doter de l’arme nucléaire [pour se doter de la force de dissuasion, Nldr] et il va le faire en secret, sans en informer l’AIEA”.

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