Par Sandra Embollo
Le 10 avril prochain, la Chine appliquera une taxe de 34 % sur l’ensemble des produits américains importés sur son territoire. Cette mesure répond directement aux droits de douane décidés par Washington et plus spécifiquement par l’actuel président des États-Unis, Donald Trump, qui a décidé d’en faire son cheval de bataille. La date n’a pas été choisie au hasard, puisque la décision américaine sera, quant à elle, appliquée le 9 avril prochain.
En outre, la riposte chinoise ne se limite pas à ces nouveaux tarifs douaniers. Pékin a décidé de suspendre les licences d’importation des produits de six entreprises américaines et de renforcer le contrôle des exportations de certaines terres rares. Ce n’est pas la première fois que l’administration de Xi Jinping utilise les restrictions d’exportation de ces matières premières comme moyen de pression sur les États-Unis et leurs alliés. Il s’agit là d’un outil de pression géopolitique.
En effet, le 21 décembre 2023, la Chine avait déjà limité l’exportation de certaines technologies de traitement des terres rares pour protéger ses intérêts stratégiques en pleine confrontation avec les États-Unis et leurs alliés. Début décembre 2024, elle avait également interdit l’exportation de minéraux critiques vers les États-Unis, notamment trois éléments chimiques essentiels à l’industrie des semi-conducteurs (gallium, germanium et antimoine) ainsi que certains matériaux d’une dureté extrême utilisés à des fins militaires. Officiellement, cette réglementation vise à « préserver la sécurité nationale », mais personne n’est dupe.
Une ressource essentielle… et un quasi-monopole
Les terres rares sont un groupe de 17 éléments utilisés dans la fabrication d’un grand nombre de technologies : smartphones, batteries, éoliennes, panneaux solaires, véhicules électriques, satellites, missiles, et même puces électroniques. Sans ces matériaux, une grande partie de notre économie moderne serait paralysée. Et sur ce terrain, la Chine est en position de force : elle assure environ 90 % de la production mondiale. En d’autres termes, si la Chine ne possède pas toutes les réserves mondiales, elle contrôle une bonne partie de leur extraction et surtout de leur traitement industriel. Ce monopole lui confère un levier considérable face à des pays occidentaux encore très dépendants de ses exportations.
Une manœuvre à double tranchant
Si cette mesure renforce la position de la Chine dans la guerre commerciale, elle n’est pas sans risques. En 2010, le recours aux restrictions sur les terres rares avait provoqué un sursaut stratégique de la part de plusieurs pays, qui ont alors commencé à chercher d’autres fournisseurs et à développer des alternatives. Ce genre de réaction pourrait se reproduire à long terme, avec un impact sur la domination chinoise dans ce secteur.
À court terme toutefois, les États-Unis et leurs alliés disposent de peu de marge de manœuvre. Les chaînes de production restent très dépendantes du raffinage chinois, et la mise en place d’infrastructures locales est lente et coûteuse. Même en cas de diversification, Pékin resterait une pièce centrale du puzzle pendant encore plusieurs années.
Cette nouvelle escalade confirme une chose : le conflit entre la Chine et les États-Unis dépasse largement le simple cadre commercial. Il s’agit désormais d’un affrontement stratégique, où chaque décision vise à affaiblir les positions de l’autre dans la course à la domination technologique.
Et dans cette guerre invisible, les terres rares apparaissent comme l’un des nerfs les plus sensibles. Un point faible reconnu de longue date par les États-Unis… et que Pékin semble bien décidé à exploiter. Une nouvelle guerre froide, placée sous le signe des terres rares, en somme