Par Joël Onana
Le feu couvait depuis plusieurs semaines, le gouvernement panaméen a donc été prompt à réagir après les dégradations et violences de jeudi. Dès vendredi soir, la présidence a décrété l’état d’urgence dans toute la province de Bocas del Toro et suspendu les garanties constitutionnelles pour cinq jours. La mesure ouvre la voie aux arrestations arbitraires, aux coupures d’internet et de la téléphonique et ne garantit plus la liberté d’expression.
Ce samedi, l’Autorité nationale des services publiques (Asep) a ainsi informé, sur X, que sur la base du décret d’urgence, « elle a coordonné la suspension temporairement des services de téléphonie mobile et d’internet résidentiel (…) jusqu’au 25 juin » dans la province. L’Asep a précisé qu’internet restait en fonctionnement dans les services de santé, les commerces et les institutions gouvernementales.
Bocas del Toro particulièrement mobilisée
La mesure est justifiée par la lutte contre ce que les autorités appellent du « terrorisme urbain ». Une définition qui recouvre le pillage de plusieurs magasins et entrepôts, ou encore du vandalisme, notamment contre l’aéroport local. Bien que des manifestations aient lieu dans tout le pays depuis la réforme des retraites adoptée en mars, et que les mouvements sont relativement contenus par les autorités dans la capitale, la situation est beaucoup plus tendue à Bocas del Toro. Elle est de loin la province du Panama la plus mobilisée.
La circulation dans cette zone touristique y est bloquée par les manifestants et la production de banane, principale exportation nationale, y est à l’arrêt. Une opération pour reprendre les choses en main a ainsi déjà été entamée par les forces de l’ordre, mais l’arrivée de 1.500 policiers supplémentaires déjà une semaine avant le début de l’état d’urgence, n’a pas apaisé la situation, bien au contraire.
Une réforme des retraites, mais pas que
La situation est d’autant plus tendue dans le pays que la réforme des retraites n’est pas la seule source de mécontentement. D’autres points de discordes provoquent aussi des manifestations, tels qu’un potentiel accord avec les États-Unis pour déployer des troupes américaines autour du canal, ou bien la réouverture d’une mine de cuivre à ciel ouvert dont la fermeture avait été obtenue de haute lutte fin 2023.
Les manifestations antigouvernementales, débutées dans ce pays d’Amérique centrale il y a près de trois mois et qui se sont intensifiées cette semaine, ont fait un mort, une trentaine de blessés, dont plusieurs policiers et ont conduit à plus de 50 arrestations, selon les autorités.