Par Léopold DASSI NDJIDJOU
Bello Bouba Maigaïri et Issa Tchiroma Bakary se sont-ils entendus pour tourner le dos aux attentes du pouvoir et de déclarer par conséquent l’un après l’autre leur candidature à l’élection présidentielle ? C’est une question dont la réponse se trouve entre les lignes dans le discours des deux ministres sur le départ : la pression de la base. La misère, le mal-être est dans les trois régions du pays. Il n’y a qu’à voir la satisfaction manifestée dans le septentrion suite à ces volte-faces. Les enfants terribles partis, c’est le comportement du pouvoir qui jette tout le trouble dans les esprits.
Premièrement, Issa Tchiroma Bakary est parti le premier sans avoir donné officiellement sa démission. C’est presque deux jours après, le 27 juin 2027, que le secrétaire général des services du premier ministre va rendre public dans un communiqué que sur hautes instructions du président de la République, le premier ministre, chef du gouvernement a chargé Mounouna Foutsou , ministre de la Jeunesse et de l’éducation civique , d’assurer la continuité du service public au ministère de l’Emploi et de la formation professionnelle. Acte de séparation.
Deuxièmement, Bello Bouba Maigaïri est candidat déclaré sans pour autant annoncer son départ. On attendait la réaction du gouvernement ce 30 juin. Deux jours après Toujours rien. La question naïve est de savoir si le gouvernement vit mal ces départs. Assurément. La crainte aujourd’hui est la crainte de la construction d’un bloc politique sur les trois régions , d’office assuré de sa victoire même avant l’élection présidentielle. On a entendu des voix parler de 10 millions de nordistes, qui par ce seul titre en dit long sur l’état d’esprit de ses initiateurs.
La deuxième chose qui rend brumeuse à Yaoundé la stratégie des ministres démissionnaires de l’accord, est la possibilité qu’ils se trouvent ailleurs d’autres alliés géopolitiques.
Cette éventualité doit à elle seule donner tous les tournis aux tenanciers du pouvoir à Yaoundé. Comment contenir les ardeurs de ces champions en manoeuvres politiques pour les empêcher de se liguer à d’autres forces politiques pour inverser sans équivoque le rapport de force politique en octobre prochain? C’est là tout le mal. Un homme politique dès qu’il recouvre sa liberté à la fin d’un accord est plus que redoutable. Il connaît là où ça fait mal.
L’autre malaise fort que suscite ces départs, est qu’on le veuille ou pas, l’exacerbation des crispations et tensions politiques entre le pouvoir et l’opposition dans le septentrion. Les patrons politiques du Rdpc dans les trois régions auront du pain sur la planche en octobre prochain. Les résultats proches des plébiscites à la dernière élection présidentielle peuvent fondre comme du beurre au soleil. On a entendu des élites politiques de la contrée dire être à court d’arguments pour convaincre les masses populaires à voter pour le pouvoir. Les ministres ou autres dignitaires devront de ce fait expliquer en quoi, eux qui sont aux affaires font mieux que les deux ex-collègues du gouvernement.
Ces derniers en retour, vont certainement leur faire porter le chapeau du lourd bilan de 43 ans du pouvoir. Ce qui ne sera pas du tout facile d’assumer.
Ainsi présentés, si les jeux sont ouverts et sincères, la campagne présidentielle risque de se faire non pas sur les programmes mais sur des dénonciations spectaculaires et autres manœuvres pour salir ou handicaper l’adversaire. Avec cette donne, c’est le camp du pouvoir , sur la défensive qui sera le plus en peine. Or être en peine ne signifie pas manquer de moyens.
Les moyens de la politique en période électorale qui peuvent faire toute la différence! Mais avec des adversaires qui prêchent désormais la moralité, l’intégrité, des moyens d’hier peuvent faire l’effet de l’eau sur le dos d’un canard. Le septentrion jouera sa partition ou ne la jouera pas à l’élection présidentielle d’octobre 2025. Vous avez dit terrain glissant et brumeux? La présidentielle dira toutes les certitudes.