Par Julie Peh
Le Canada, les États-Unis, la France, l’Allemagne, ou encore la Belgique sont parmi les destinations les plus prisées. Selon l’Institut statistique du Québec, 14 135 Camerounais ont immigré au Canada entre 2019 et 2023, soit environ 6 % de l’immigration totale du pays. Aux États-Unis, plus de 60 100 Camerounais y ont immigré entre 2015 et 2019, avec une hausse marquée à partir de 2017, au début de la crise anglophone. Ce mouvement migratoire grandissant soulève de nombreuses questions : Pourquoi partons-nous ? Que laisse-t-on derrière nous ? Et surtout, que pouvons-nous construire ensemble, ici et ailleurs ?
La migration n’est jamais une décision facile. Elle est souvent le résultat d’un cumul de frustrations, de blocages, d’injustices. Beaucoup de jeunes diplômés n’arrivent pas à s’insérer dans le monde du travail. Le chômage chez les jeunes atteint des niveaux alarmants estimé à environ 35 % selon la Banque mondiale, même si les chiffres officiels sont plus bas. Dans certaines régions touchées par les conflits ou l’insécurité, la migration devient une question de survie. Mais partir, ce n’est pas seulement fuir. C’est aussi chercher une chance : de travailler, d’étudier, de vivre dans la dignité. Et cela, tout le monde peut le comprendre.
Lorsqu’on voit partir nos médecins, nos ingénieures, nos enseignants ou nos entrepreneurs, on parle souvent de fuite des cerveaux. Et c’est vrai que ces départs affaiblissent notre pays. Chaque départ, c’est une expertise en moins dans nos hôpitaux, nos écoles, nos entreprises. Mais nous devons aussi reconnaître une autre réalité : la diaspora camerounaise est l’une des plus actives et solidaires d’Afrique. Chaque année, elle envoie plusieurs centaines de milliards de francs Cfa au pays, soutient des projets, finance des écoles, accompagne des start-ups. Elle est un pont entre le Cameroun et le monde. Aujourd’hui, au lieu de voir la migration comme une perte, nous pouvons la voir comme une chance de connecter nos talents, où qu’ils soient.
Il ne s’agit pas de condamner celles et ceux qui partent. Il ne s’agit pas non plus de décourager celles et ceux qui veulent rester. Ce dont nous avons besoin, c’est d’un dialogue sincère, d’un engagement collectif pour créer un Cameroun où chacun peut trouver sa place. Pour cela, nous pouvons agir ensemble : Offrir des opportunités concrètes aux jeunes sur place : formation, emploi, accompagnement à l’entrepreneuriat ; Valoriser les compétences de la diaspora, en facilitant les projets de retour ou de collaboration avec les talents locaux ; Renforcer l’inclusion sociale des migrants de retour, des déplacés internes, des réfugiés ; Investir dans l’éducation civique, la culture de la paix et la cohésion sociale, pour prévenir les départs forcés ou désespérés ; Encadrer les migrations de manière humaine et durable, en travaillant avec les partenaires internationaux.
La migration camerounaise n’est pas qu’un phénomène statistique. Elle parle de nos rêves, de nos douleurs, de nos espoirs. Elle nous interpelle toutes et tous que nous soyons ici ou ailleurs, jeunes ou moins jeunes, gouvernants ou citoyens. Plutôt que de voir la migration comme une fatalité, faisons-en une force collective. Créons un Cameroun où partir n’est plus une fuite, mais un choix. Un pays où l’on peut réussir chez soi, tout en restant connecté au reste du monde. Un pays où chacun a sa place et sa voix.
